La lumière crue des néons du studio de répétition tranche avec la pénombre du petit matin parisien. Au centre de la pièce, un micro, un pupitre couvert de partitions annotées, et une silhouette familière. Jenifer est là, déjà au travail, bien avant l’arrivée de ses musiciens. Elle fredonne les premières notes de “Ma révolution”, cherchant le ton juste, l’intention parfaite pour le gala de charité des “Enfants de la Terre” qui approche. Pour le public, elle est une icône pop, une image souriante sur les écrans. Ici, dans l’intimité du studio, elle est avant tout une artisane. Une travailleuse acharnée qui connaît le poids de chaque note, de chaque silence. Cette dualité est le moteur de sa carrière : la discipline invisible qui nourrit la magie visible sur scène.
Son téléphone vibre sur la table de mixage. Un message de son mari, Ambroise, avec une photo de leur petit dernier, Juvanni. Un sourire éclaire son visage fatigué. La mère de famille n’est jamais loin de l’artiste. Elle pense à ses deux autres fils, Aaron et Joseph, à la logistique des emplois du temps, aux devoirs à vérifier. C’est ce grand écart permanent qui la définit : gérer une carrière nationale tout en s’assurant que la vie de ses enfants reste aussi normale que possible, loin de la frénésie médiatique. Elle a toujours érigé une muraille infranchissable autour de sa famille, un “jardin secret” qui est son point d’ancrage, sa force. C’est peut-être de là que vient cette authenticité que le public perçoit, cette impression qu’elle est restée “vraie” malgré le succès. Elle n’a pas besoin de vendre sa vie privée, car son art est assez riche pour se suffire à lui-même.
Le directeur musical arrive. “Bonjour Jen. On attaque la setlist ?”. Il lui tend une feuille. C’est une traversée de sa propre histoire, un défi pour trouver une cohérence entre les différentes époques.
- Medley “Débuts” : “J’attends l’amour” / “Au soleil”. Il faut leur donner une touche plus acoustique, plus mûre. “Pas question de sonner comme en 2002”, dit-elle en riant.
- Le virage rock : “Tourner ma page”, extrait de “Lunatique”. Un souvenir de l’époque avec Maxim Nucci, le père de son premier fils. Une période d’affirmation.
- Le duo : “Les choses simples”, avec Slimane. Elle se souvient de leur rencontre sur “The Voice”, de cette alchimie évidente. Une chanson qui parle d’elle, de son besoin de revenir à l’essentiel.
- Le titre résilient : “Nouvelle Page”. Impossible de la chanter sans un frisson. Le titre est né après le drame de 2017, cet accident de la route qui a tout changé. C’est plus qu’une chanson, c’est une déclaration de survie.
- La surprise : Une reprise de “Je danse”, plus électro, pour finir en énergie.
Chaque titre est une porte vers un souvenir, une émotion. La répétition commence. En interprétant “Au soleil”, elle ne peut s’empêcher de penser à cette jeune fille de 19 ans, propulsée hors de la Star Academy, à la fois terrifiée et excitée. Aujourd’hui, la femme qu’elle est devenue chante la même chanson, mais avec le poids et la richesse de l’expérience. Elle n’est plus la même, et pourtant, le public chantera chaque mot avec elle, comme si rien n’avait changé. C’est le pouvoir étrange de la musique. “Encore une fois”, lance-t-elle aux musiciens. “Je veux plus de douceur sur le refrain. Je veux qu’on sente le temps qui a passé”.
La conversation dérive vers le cinéma. Le réalisateur lui a envoyé un nouveau scénario. Un rôle à contre-emploi, plus sombre. Elle hésite. Le public l’aime dans la comédie, comme dans “Les Francis”. Est-elle prête à les bousculer ? C’est le dilemme constant de sa carrière : répondre aux attentes ou suivre son propre instinct, son désir d’exploration. C’est cette tension qui la garde vivante, artistiquement parlant. L’assistante de production entre dans le studio. “Jen, TF1 au téléphone pour le planning de The Voice”. Une autre casquette, celle de coach, de “grande sœur”. Elle aime ce rôle, cette transmission. C’est sa manière de boucler la boucle. La jenifer chanteuse qu’elle est devenue est aussi la somme de toutes ces expériences.
La journée s’achève. La voix est fatiguée, mais les morceaux sont en place. En quittant le studio, elle repense à son engagement pour l’association. Ce gala, c’est pour les enfants. C’est ce qui donne un sens à tout ça, au-delà des disques de platine et des salles combles. Le succès est vide s’il n’est pas partagé. De retour chez elle, elle n’est plus la star. Elle est une mère qui borde ses enfants, une femme qui partage un repas avec son mari. Demain, elle retournera au studio, et le cycle recommencera. C’est dans cet équilibre, précaire mais maîtrisé, entre la lumière de la scène et l’ombre apaisante de son jardin secret, qu’elle continue d’écrire son histoire, une histoire qui, loin d’être terminée, promet encore de nous surprendre.
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